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Le héraut de l'amour divin

Dans cet extrait issu du 3ème livre, chapitre 18, le Seigneur donne quelques conseils à Sainte Gertrude de Helfta pour communier avec profit.

18. Du don de préparation pour recevoir le corps de Jésus-Christ et de plusieurs autres choses

I. Dévot exercice envers ce Sacrement.

Elle s’avançait un jour pour recevoir le Sacrement de vie pendant que le chœur chantait l’antienne : Gaude et laetare. À ces mots : Sanctus, Sanctus Sanctus, le sentiment de sa bassesse la pénétra si profondément qu’elle se prosterna en toute humilité, demandant au Seigneur de daigner lui-même préparer son âme à recevoir dignement la nourriture céleste pour la gloire de Dieu et le bien du monde entier. Le Fils de Dieu, très doux ami des âmes, s’inclina vers elle et pendant le second Sanctus imprima sur son âme un baiser plein de suavité en disant : « à ce Sanctus qui m’est adressé, je te donne dans ce baiser divin toute la sainteté de mon Humanité et de ma Divinité, afin qu’elle te serve de préparation et que tu puisses dignement venir à moi ».

Le lendemain qui était un dimanche, pendant qu’elle exprimait sa reconnaissance pour une telle faveur, le Fils de Dieu, plus beau que tous les anges, la prît entre ses bras, et comme s’il trouvait sa gloire en elle, la présenta à Dieu le Père dans toute la perfection de sainteté qu’il lui avait donnée. Le Père se complut tellement en cette âme présentée par son Fils, qu’impuissant à contenir son amour, il lui conféra, ainsi que le Saint-Esprit, la perfection qui leur est attribuée par le premier et le troisième Sanctus. Elle reçut donc une bénédiction de sainteté pleine et entière au nom de la Toute-Puissance, de la Sagesse et de la Bonté.

II. Le Seigneur lui donne l’assurance qu’il ne se séparera jamais d’elle.

Un autre jour, elle vit que plusieurs de ses sœurs étaient forcées pour diverses raisons de s’abstenir de la sainte communion ; elle s’approcha du Seigneur et lui dit d’une âme tonte joyeuse : « Je vous rends grâces, ô Dieu très aimant, de m’avoir placée dans une situation telle que ni mes parents, ni aucun motif ne peuvent m’éloigner de votre divin banquet. » Le Seigneur avec sa bonté ordinaire lui répondit : « Tu reconnais que rien ne peut t’éloigner de moi : apprends aussi qu’il n’y a rien au ciel ni sur la terre, pas même la rigueur de mes jugements et de ma justice, qui puisse mettre obstacle aux bienfaits dont je veux te combler pour le bien suprême de mon divin Cœur. »

Elle devait une autre fois encore recevoir la sainte Communion, et désirait avec ardeur être dignement préparée par le Seigneur. II daigna lui dire avec bonté : « Je me revêts de toi pour étendre ma main divine, sans la blesser, vers les pécheurs durs et rebelles. Je te revêts ensuite de moi pour que toutes les âmes dont tu te souviens devant moi dans la prière, et tous ceux que la nature a faits tes semblables deviennent dignes de recevoir mes bienfaits sans nombre. »

III. Accueil favorable des trois divines Personnes.

Elle devait un matin participer aux saints mystères, et repassait en son esprit les divers bienfaits de Dieu à son égard, lorsqu’elle se souvint du passage du livre des Rois : « Quis ego sum aut quae domus patris mei ? Qui suis-je, et qu’est la maison de mon père ? » (I Rois XVIII, 18). Ne s’arrêtant pas à méditer ces paroles : « Qu’est la maison de mon père », comme si elles regardaient ces gens qui ont vécu en leur temps, selon l’ordre établi par Dieu, elle se considéra elle-même comme une tendre plante placée à proximité du Cœur divin tout brûlant d’amour, afin d’en recevoir la douce influence. Mais presque toute consumée par suite de ses fautes et de ses négligences, elle était prête à tomber en cendres et ressemblait déjà au petit charbon éteint qui gît sur le sol. Elle invoqua alors Jésus-Christ le Fils de Dieu, médiateur plein de bonté, et le pria de la purifier et de la présenter à Dieu le Père. Le Seigneur parut l’attirer vers lui par l’influence amoureuse de son Cœur transpercé, la laver dans l’eau qui en découlait, et l’arroser du sang précieux et vivifiant de sa blessure sacrée. Cette opération ralluma le petit charbon. Il se changea bientôt en un arbre verdoyant dont les branches se partageaient en trois comme nous le voyons dans la fleur du lis. Le Fils de Dieu prenant cet arbre, le présenta avec joie et révérence à la très sainte Trinité, qui daigna s’incliner avec grande bienveillance : Dieu le Père en vertu de sa toute-puissance attacha sur les rameaux les plus élevés tous les fruits que cette âme eût produits si elle s’était prêtée complètement aux desseins de la divine. Providence. De même le Fils de Dieu et le Saint-Esprit parurent déposer sur les deux autres branches les fruits de la Sagesse et de l’Amour.

Après avoir reçu le corps du Christ, elle vit son âme sous la forme d’un arbre qui aurait sa racine plantée dans la blessure do sacré côté de Notre-Seigneur, et sentit d’une façon admirable que l’arbre puisait en cette plaie bénie une sève merveilleuse, qui de la racine montait dans les branches, les feuilles et les fruits, pour leur communiquer la vertu de la Divinité et de l’Humanité de Jésus-Christ. Ainsi la très sainte vie du Seigneur prenait en cette âme un nouvel éclat, comme l’or parait plus brillant à travers le cristal. La bienheureuse Trinité et tous les saints ressentirent à cette vue une joie merveilleusement douce. Les saints se levèrent pleins de respect, fléchirent les genoux et présentèrent chacun leurs mérites en forme de couronnes qu’ils suspendirent aux rameaux de l’arbre. Ils voulaient par cet hommage glorifier et louer Celui qui daignait resplendir à travers sa créature et procurer ainsi à tous les saints une nouvelle jouissance.

Celle-ci pria ensuite pour tous ceux qui, au ciel, sur la terre et dans le purgatoire auraient reçu quelque profit de ses bonnes œuvres, si elle ne s’était montrée négligente, et demanda qu’ils eussent part aux biens dont son âme venait d’être enrichie par la divine Bonté. Aussitôt ses œuvres, figurées par les fruits de l’arbre, commencèrent à distiller une précieuse liqueur dont une partie se répandit sur les habitants du ciel et augmenta leurs joies ; une autre partie s’écoula dans le purgatoire pour adoucir les peines des âmes souffrantes ; la troisième s’épancha sur la terre et donna aux justes les consolations de la grâce, aux pécheurs les amertumes salutaires de la pénitence.

IV. Des avantages de l’assistance à la messe.

Tandis qu’à la sainte messe le prêtre offrait l’hostie sainte, elle présenta à Dieu cette même hostie en réparation de ses péchés et pour suppléer à toutes ses négligences. Il lui fut révélé que son âme, offerte à la majesté divine, avait été agréée avec la même complaisance que Jésus-Christ, splendeur et image du Père, Agneau sans tache, s’immolant à cette même heure sur l’autel pour le salut du monde. Dieu le Père la voyait pure de tout péché et immaculée à travers la très innocente Humanité de Jésus-Christ, et par sa très parfaite Divinité, il la trouvait parée et enrichie de toutes les vertus dont la glorieuse Divinité orna sa très sainte Humanité.

Elle rendit aussitôt grâces au Seigneur qui la comblait de ses bienfaits, et reçut encore cette lumière : toutes les fois qu’une personne assiste à la messe avec dévotion, s’unissant à Jésus-Christ qui s’immole lui-même pour le rachat du monde, Dieu le Père la regarde avec la même complaisance que l’hostie sainte. Cette âme devient alors resplendissante et lumineuse, comme une personne qui, au sortir des ténèbres, se trouve éclairée subitement par les rayons du soleil. Celle-ci demanda alors au Seigneur : « Mais si l’on tombe dans le péché, n’est-on pas aussitôt privé de cette lumière, comme la personne qui fuit la clarté du soleil se trouve plongée dans les ténèbres ?

– Non, répondit le Seigneur ; car si celui qui pèche, met pour ainsi dire l’ombre d’un nuage entre lui et ma miséricorde, ma bonté, lui conserve cependant pour la vie éternelle un reste de cette bénédiction qu’il verra croître et se multiplier, chaque fois qu’il s’approchera avec dévotion des saints mystères. »

V. Combien les péchés de la langue rendent indignes de la communion.

Après avoir reçu la sainte communion, elle pensait à la vigilance qu’il est bon d’avoir pour éviter les péchés de la langue, puisque c’est la bouche qui a l’insigne honneur de recevoir les précieux mystères du Christ. Cette comparaison l’instruisit : Si quelqu’un n’interdit pas à sa bouche les paroles vaines, mensongères, honteuses et médisantes, et s’approche sans regret de la sainte communion, il reçoit le Christ comme on recevrait un hôte en lui jetant des pierres amassées par hasard à l’entrée de la maison, ou en lui assenant un coup de bâton sur la tête.

Que celui qui lira ces lignes considère en versant des larmes de compassion, d’un côté la dureté du cœur humain, de l’autre la bonté d’un Dieu venant avec une si grande bonté sauver les hommes qui le persécutent si cruellement.

VI. Comment l’âme doit se revêtir pour recevoir dignement la sainte communion.

Elle se trouvait un jour peu préparée à recevoir la sainte communion, et comme le moment approchait, elle adressa la parole à son âme en ces termes : « Voici déjà l’Époux qui t’appelle ; et comment pourras-tu aller au-devant de lui sans être parée des mérites nécessaires à ceux qui veulent le recevoir dignement ? » La pauvreté de son âme la frappant davantage, elle perdit encore plus confiance en elle-même et mit tout son espoir en Dieu : « À quoi me sert d’attendre, dit-elle ? Quand j’y emploierais mille années, je ne serais pas encore suffisamment disposée, puisque rien en moi n’a la valeur voulue pour enrichir ma préparation. J’irai au-devant du Seigneur avec humilité et confiance, et lorsqu’il m’apercevra de loin, son puissant amour l’excitera à m’envoyer les biens nécessaires à une âme qui désire le recevoir dignement. » C’est avec de tels sentiments qu’elle s’avança vers Dieu, tenant les yeux toujours fixés sur sa bassesse et sa pauvreté.

Mais elle avait à peine fait quelques pas, que le Seigneur lui apparut, la regarda avec compassion, ou plutôt avec tendresse, et voulut bien lui envoyer son innocence pour qu’elle s’en revêtit comme d’une robe blanche et souple, et son humilité qui lui fait accepter de s’unir à des âmes si indignes, pour s’en faire une tunique violette. L’espérance qui fait désirer au Seigneur les embrassements de l’âme, serait pour celle-ci un ornement de couleur verte ; l’amour dont Dieu se plaît à entourer ses créatures la couvrirait d’un riche manteau d’or ; la joie par laquelle Dieu trouve ses délices dans les âmes, lui formerait une couronne de pierres précieuses. Elle recevrait enfin pour chaussure cette confiance par laquelle le Seigneur s’appuie sur la frêle substance de notre pauvre nature en déclarant qu’il trouve ses délices au milieu des enfants des hommes. Ainsi parée, elle pourrait se présenter à la sainte communion.

VII. Avec quel amour le Seigneur se donne dans le Saint-Sacrement.

Après avoir reçu la sainte communion, elle se recueillit et le Seigneur lui apparut sous l’image si connue du pélican qui avec le bec s’ouvre le flanc. Cette image la ravit d’admiration et elle s’écria : « O Seigneur, que voulez-vous m’enseigner ? » Le Seigneur répondit : « Je désire que tu considères quel ardent amour presse mon cœur lorsque j’offre aux âmes un don si Précieux : si je pouvais ainsi parler, je préférerais mourir après avoir communiqué un si grand bienfait, plutôt que de le refuser à une âme aimante. Considère aussi de quelle manière admirable ton âme reçoit en ce don le gage de la vie éternelle, comme les petits du pélican reprennent vie dans le sang, qui coule du flanc de leur père. »

VIII. Excès de la bonté divine dans ce sacrement.

Un prédicateur avait longuement discouru sur les rigueurs de la justice divine, et sa parole avait rempli celle-ci d’une si grande crainte qu’elle n’osait plus approcher des sacrements. Le Seigneur daigna l’encourager par ces paroles : « Si tu ne veux plus voir avec les yeux de l’âme les bontés infinies dont je t’entoure, regarde au moins des yeux du corps dans quel vase étroit je me laisse enfermer pour arriver à nourrir vos âmes ; tu comprendras alors que la rigueur de ma justice est contenue par la douceur de ma miséricorde, miséricorde dont ce sacrement offre au genre humain une preuve si évidente. »

Une autre fois et pour les mêmes motifs, la divine Bonté l’invita en ces termes à goûter toute sa douceur : « Regarde la petite forme sous laquelle je me cache pour te nourrir de ma divinité et de mon humanité. Après avoir comparé ses proportions avec celles du corps humain, apprécie ma condescendance, car de même que le corps humain dépasse en dimension mon corps, c’est-à-dire l’espèce du pain qui contient mon corps, ainsi l’amour et la miséricorde m’inclinent dans ce sacrement à laisser l’âme humaine se montrer pour ainsi dire plus puissante que moi.

Comme on lui présentait un jour l’hostie du salut, le Seigneur manifesta encore par ces paroles l’excès de sa bonté : « As-tu remarqué que pour célébrer le saint sacrifice le prêtre revêt une ample chasuble par révérence pour mon si auguste mystère ? Lorsqu’il distribue le Corps du Christ, l’ornement est relevé sur ses bras [57] et c’est avec la main qu’il distribue le pain céleste. En vérité je regarde avec bonté ce qui se fait pour ma gloire comme les prières, les jeûnes et autres œuvres semblables ; cependant (quoique ceux qui ont moins l’intelligence des choses spirituelles ne puissent le comprendre) j’entoure mes élus d’un amour plus compatissant lorsque, convaincus de leur faiblesse, ils se jugent incapables de m’honorer dignement, et se réfugient dans le sein de ma miséricorde, C’est ce que tu vois figuré par les mains nues et découvertes du prêtre qui me touchent de plus près que ses ornements. »

IX. L’humilité est parfois plus agréable à Dieu que la dévotion.

Une autre fois, la cloche qui annonce l’heure de la communion retentissait, le chant de l’antienne était déjà commencé, lorsqu’elle dit au Seigneur : « Voici, ô mon Bien-Aimé, que vous venez à moi ! Mais pourquoi, dans votre puissance, ne m’avez-vous pas envoyé ces parures de dévotion qu’il convient de revêtir pour vous recevoir ? » Le Seigneur répondit : « L’époux est plus charmé de voir le cou de son épouse sans ornements que paré de colliers ; il aime mieux prendre ses mains dans les siennes que de les voir richement ornées de gants précieux. De même je rencontre souvent plus volontiers dans une âme la vertu d’humilité que la grâce de la dévotion. »

Un jour que plusieurs membres du convent n’avaient pas reçu la sainte communion, celle-ci, nourrie des saints mystères, offrait à Dieu de vives actions de grâces : « Vous m’avez invitée à votre banquet sacré, disait-elle, et j’y suis venue en chantant vos louanges. » Le Seigneur répondit avec des paroles plus douces que le miel : « Apprends que je te désirais de tout l’amour de mon cœur. O Seigneur, dit-elle, quelle gloire et quelle joie reviennent donc à votre Divinité de ce qu’avec mes dents indignes je broie vos sacrements immaculés ? » Le Seigneur répondit : « L’affection que l’on ressent pour un ami fait trouver du charme dans toutes ses paroles ; ainsi mon amour me fait trouver chez mes élus des douceurs qu’ils ne ressentent pas toujours eux-mêmes. »

X. C’est pour être goûté et non pour être vu que Dieu se donne à l’âme en ce Sacrement.

Un jour que le prêtre distribuait la communion, elle voulut contempler de loin la sainte hostie ; mais le grand nombre de personnes qui se pressaient à la table sainte l’en empêcha. Elle entendit alors le Seigneur l’inviter aimablement par ces mots : « II convient à ceux qui vivent loin de moi d’ignorer ce mystère d’amour ; si tu veux avoir la joie de le connaître, approche et expérimente, non par la vue, mais par le goût, la douceur de cette manne cachée ».

XI. – Il ne faut pas blâmer ceux qui par respect s’abstiennent de la communion.

Elle vit un jour une des sœurs s’approcher du sacrement de vie avec des sentiments de crainte exagérés, et s’éloigna ensuite de cette sœur par une sorte de dégoût. Le Seigneur lui en fit une miséricordieuse réprimande : « Ne vois-tu pas, lui dit-il, que le respect et l’honneur ne me sont pas moins dus que la tendresse et l’amour ? Puisque la fragilité humaine est incapable de remplir ce double devoir par un seul et même sentiment, et que vous êtes les membres d’un même corps, il convient que la disposition qui manque à l’un soit compensée par celle de l’autre. Ainsi, par exemple, celui qui est plus touché du sentiment de l’amour s’occupera moins de la révérence qui m’est due ; qu’il se réjouisse donc d’en voir un autre s’attacher au respect, et qu’il désire voir celui-ci obtenir à son tour les consolations de la divine douceur. »

XII. Le Seigneur veut être servi à nos propres dépens.

Une autre fois elle vit une sœur s’effrayer pour la même raison et pria pour elle. Le Seigneur répondit : « Je voudrais que mes élus ne me jugeassent pas si cruel, mais qu’ils fussent persuadés que je tiens pour bon et très bon qu’ils me servent à leurs dépens. Celui-là, par exemple, sert Dieu à ses dépens qui, privé de la douceur de la dévotion, acquitte cependant les prières, les génuflexions et le reste, en espérant que la Bonté divine acceptera ces offrandes. »

XIII. Pourquoi est-on souvent privé de la grâce de la dévotion au moment de la communion.

Elle exposait au Seigneur dans l’oraison les plaintes d’une personne qui sentait moins la grâce de la dévotion quand elle devait communier qu’à certains autres jours : « Ce n’est pas un effet du hasard, répondit le Seigneur, mais une disposition providentielle, car si j’accorde la grâce de la dévotion aux jours ordinaires et à des moments imprévus, je force le cœur de l’homme à s’élever vers moi lorsqu’il resterait peut-être plongé dans sa torpeur. Tandis qu’en soustrayant ma grâce aux jours de fête et à l’heure de la communion, mes élus conçoivent de saints désirs ou s’exercent à l’humilité, et leur ardeur et leur contrition avancent plus l’œuvre de leur salut que la grâce de la dévotion »

XIV. Il ne faut pas omettre la communion lorsqu’on a commis des fautes légères.

Elle priait pour une personne qui s’était abstenue de la sainte communion dans la crainte de scandaliser ceux qui l’auraient vue accomplir cet acte. Le Seigneur lui répondit par une comparaison : « Quand on remarque une tache sur ses mains, on les lave aussitôt. Ensuite la tache a non seulement disparu, mais les mains entières sont plus nettes. C’est ce qui arrive parfois à mes élus : je permets qu’ils tombent dans des fautes légères afin que leur repentir et leur humilité les rendent plus agréables à mes yeux. Mais il y en a qui contrarient ce dessein de mon amour, en n’estimant pas la beauté intérieure qui s’acquiert par la pénitence et rend agréable à mes yeux, et en recherchant une rectitude tout extérieure uniquement basée sur le jugement des hommes. Ceci a lieu lorsqu’ils se privent de l’immense grâce qu’apporte la réception de la sainte Eucharistie dans la crainte d’être blâmés par ceux qui ont été témoins de leurs légères fautes et n’ont pas vu le repentir qui les a lavées. »

XV. Il faut croire que le Seigneur supplée à notre pauvreté, lorsque nous le lui avons demandé.

La voix du Seigneur qui l’invitait au banquet sacré se fit entendre un jour à son âme avec tant de douceur, qu’il lui semblait habiter déjà les palais éternels, prête à s’asseoir dans ce glorieux royaume à la table du Père céleste. Mais la vue de sa misère et de son indignité la rendait anxieuse, et elle cherchait à décliner un si grand honneur. Le Fils de Dieu vint alors au-devant d’elle et la tira à l’écart afin de la préparer lui-même : il lui lava les mains pour figurer la rémission des péchés qu’il lui accordait par les saintes douleurs de sa Passion. Se dépouillant ensuite des ornements qu’il portait, colliers, bracelets et anneaux, il en revêtit son épouse et l’invita à s’avancer avec gravité dans la beauté de ses parures, et à ne pas courir comme une insensée qui n’aurait pas la dignité convenable, et s’attirerait le mépris plutôt que le respect et l’honneur. Elle comprit que ceux qui marchent comme des insensés en portant les ornements du Seigneur sont ceux qui, après avoir considéré leur imperfection, demandent au Fils de Dieu de secourir leur misère ; mais lorsqu’ils ont reçu ce bienfait, ils demeurent aussi craintifs qu’auparavant, parce qu’ils n’ont pas une confiance absolue dans les parfaites satisfactions que le Seigneur a offertes pour eux.

XVI. Grâces accordées comme conséquence de la digne réception du corps de Jésus-Christ.

Un autre jour, après avoir communié, elle offrit à Dieu le corps du Seigneur pour le soulagement des âmes du purgatoire, et reconnut que cette oblation avait considérablement allégé leurs peines. Dans son admiration elle s’écria : « O mon très doux Seigneur, je dois confesser, pour votre plus grande gloire, que, malgré mon indignité, vous daignez sans cesse m’honorer de votre présence et même fixer votre demeure en mon âme ! D’où vient que la réception de votre corps sacré n’a pas toujours l’heureux effet que vous m’avez permis de constater aujourd’hui ? » Le Seigneur répondit : « Un roi dans son palais n’est pas accessible à tous ; mais lorsque, attiré par son amour pour la reine, il descend dans la cité pour visiter son épouse, tous les habitants de la ville jouissent alors largement de la magnificence et de la libéralité royales et reçoivent avec joie ses bienfaits. De même, lorsque je cède à la douce bonté de mon Cœur, et que je m’abaisse dans le Sacrement de vie vers une âme exempte de faute mortelle, tous ceux qui habitent le ciel, la terre et le purgatoire en reçoivent d’inestimables bienfaits. »

XVII. Que par la sainte communion nous pouvons obtenir le soulagement des âmes du purgatoire.

Un jour où elle devait communier, elle éprouva un grand désir de se plonger dans la vallée de son humilité, et de s’y cacher profondément pour honorer l’ineffable condescendance du Seigneur, qui nourrit ses élus de son corps et de son sang précieux. Elle comprit alors le sublime abaissement du Fils de Dieu lorsqu’il descendit dans les limbes pour en délivrer les captifs. Tandis qu’elle faisait effort pour s’unir à cette humiliation, elle se trouva comme plongée dans les abîmes du purgatoire. Là, s’abaissant de plus en plus, elle comprit ces paroles que lui adressait le Seigneur : « Par la réception du Sacrement de vie, je t’attirerai à moi de telle sorte que tu entraîneras avec toi toutes les âmes auxquelles parviendra l’incomparable parfum des saints désirs, qui s’échappe de tes vêtements en si grande abondance. »

Après avoir reçu cette promesse, elle s’approcha de la table sainte et pria le Seigneur de lui accorder autant d’âmes du purgatoire que l’hostie formerait de parcelles dans sa bouche. [58] Pour cela elle chercha à la diviser en plusieurs fragments. Le Seigneur lui dit : « Afin de te faire comprendre que mes miséricordes surpassent toutes mes œuvres, et que nulle créature ne peut épuiser l’abîme de ma bonté, voici que, par le mérite de ce Sacrement de vie, je suis disposé à t’accorder beaucoup plus que ne demandait ta prière. »

XVIII. Merveilleuse union avec le Seigneur au moyen d’une hostie consacrée.

Un jour elle devait communier et s’humiliait encore plus profondément que de coutume à la vue de son indignité. Elle pria le Seigneur de recevoir pour elle l’hostie sainte en sa propre personne, de se l’incorporer, et de permettre ensuite que par le souffle divin, elle en aspirât à chaque heure une certaine vertu, dans la mesure qu’il trouverait convenir à sa faiblesse. Elle se reposa ensuite quelque temps sur le sein du Seigneur, comme enveloppée de ses bras divins, et placée de telle sorte que son côté gauche semblait appliqué au sacré côté droit du Seigneur. Or, peu après, s’étant levée, elle vit que son côté gauche avait pris comme l’empreinte vermeille d’une cicatrice sanglante, au contact de la blessure amoureuse du Christ. Comme elle allait à la sainte communion, le Seigneur parut recevoir dans sa bouche divine la sainte hostie, laquelle, traversant sa poitrine, sortit par la plaie de son côté et resta fixée sur cette plaie vivifiante. Il dit à son épouse : « Cette hostie nous unira de manière qu’un de ses côtés couvrira ta blessure, et l’autre côté la mienne. Chaque jour tu toucheras cette hostie, tu la toucheras avec toute ta dévotion en méditant l’hymne Jesu nostra Redemptio. [59] Il lui dit ensuite de prolonger chaque jour sa prière, afin d’accroître son désir du divin Sacrement ; elle devrait pour cela réciter cette hymne une fois le premier jour, deux fois le suivant, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’elle communiât de nouveau.